PresseHumour noir en couleur
— Le Sud Ouest
JUSQU’AU 18 FÉVRIER. Le centre culturel accueille une exposition de peinture et de sculpture rassemblant 17 artistes remarquables de la région : Bahi, Vincent Barrère, Paul Bellivier, Henri Boixel, Jean-Albert Bourgade, Jean-Pierre Dall’Agnese, Jacques Fondecave, Jean-Jacques Lantourne, Chantal Lanvin, Eve Legay-Veaux, Noska, Danielle Oizan-Chapon, Corine Olivier, François Peltier, Christian Pradier, Beradette Serbat et Geneviève Tixador. Et deux «invités européens» particulièrement réputés : l’Espagnol Raimundo de Pablos et l’Allemand Alfred Grimm. A visiter sans attendre.
CHRISTINE CAUBET
Il parait que nous avons toujours besoin de mettre des étiquettes sur les gens et sur les choses, comme si tout cataloguer était nécessaire à notre équilibre psychique. Ainsi, quand on découvre un nouveau peintre, on découvre un nouveau peintre, on n’a de cesse de le ranger in petto dans une catégorie aisément identifiable. Or, c’est une impression curieuse qui saisit le spectateur quand il se retrouve devant une composition de l’Allemand Alfred Grimm. L’artiste est plutôt inclassable!
D’abord, le spectateur accueille ce qu’il voit avec jovialité : la couleur est intense et souvent chaleureuse, gaie; l’image évogue le style BD et l’artiste a le goût du détail cocasse.
La première réaction est done une attirance amusée. Mais un amusement… retenu, car dans le même temps qu’il s’impose, s’impose aussi une impression contraire gravité, d’oppression qui donne envie de se détourner.
«CONSERVE DE NU»
Un poisson qui fronce les sourcils (si tant est que les poissons puissent froncer les sourcils) parce qu’un pétrolier est en train de couler dans son aquarium ?X’?t plutôt marrant. Et dans le même temps cet aquarium souillé est sinistre. Tout comme sont marrantes et sinistres ces scènes de voitures accidentées qui évoquent en même temps les cascades fantaisistes des polars à grand spectacle où le héros ne meurt jamais et les vrais drames de la route qui font la une des quotidiens. Faut-il rire ou pleurer? : cet antagonisme déroute le spectateur.
Un antagonisme qui est tout simplement celui de l’humour noir – un genre pas vraiment répandu dans le domaine des arts plastiques –. Alfred Grimm pratique également la dérision (voir la «Femme se déshabillant») et donne corps aux idées les plus inattendues (consultez aussi ses catalogues pour découvrir la «Conserve de nu», le «Plus petit couple du monde» ou encore la série des soixante «Tartes»)…
S’il peint des accidents de voitures, c’est peut-être parce qu’il en a eu trois. S’il peint des tracteurs, c’est parce que son voisin en a un (il vit à la campagne). Mais il peut aussi être lyrique : s’il peint des arbres, c’est un hommage aux arbres. Et s’il peint des femmes, c’est un hommage aux femmes: «Que de??????? nous sans les femmes» Elles sont importantes pour moi, et elles sont importantes pour le monde».
«TERRIBLEMENT CONSCIENT»
Alfred Grimm lui-même ressemble assez à ses tableaux et à ses sculptures. Ambivalent. Les Agenais qui ont pu le rencontrer vendredi ou samedi (puisqu’il est resté deux jours à Agen pour le vernissage de l’exposition), ont vu un homme ouvert, malicieux et néanmoins trés courtois, l’œil attentif, le sourire direct, le rire sonore. Et visiblement ravi d’engager des conversations malgré le barrage (merci aux interprètes!) de la langue. Sans aller plus loin, de quoi le cataloguer (encore cette manie!) comme «sympathique et rigolo», surtout en le voyant arborer une énorme cravate aux couleurs vives représentant, encore, des voitures. Mais ce serait faire de lui un portrait bien incomplet que de s’arrêter là. Une boutade et un éclat de rire reviennent certes de loin en loin. Mais c’est comme pour dérider un instant une conversation des plus graves. L’artiste parle de ce qui l’effraie dans notre société et dont il est «terriblement conscient»: la violence de notre ???? d? ??? ???????? les ???? ?? pressantes, la science qui déshumanise, l’industrialisation outrancière et le recul de la nature, le massacre de l’environment. Autant de thèmes récurrents dans ses œuvres. L’art, pour Alfred Grimm, ce n’est pas simplement une recherche esthétique; ça sert avant tout à exprimer des choses. Si c’est un «engagement politique», il est cependant sans illusion: «je sais que je ne peux rien changer». C’est plutôt, tout simplement, un témoignage personnel, un cri qui doit sortir…
MONSIEUR LE PROFESSEUR
Dans la vie, M. Alfred Grimm enseigne les arts plastiques au lycée Theodor-Heuss à Dinslaken: ça, c’est son métier pour vivre – un métier qu’il aime beaucoup, mais qui ne le comble pas totalement–ñ. Privez-le de ses pinceaux de ses tubes de couleur et interdisez-lui de peindre et de créer : il serait perdu, peut-être en mourrait-il…
Tiens, il y a au moins cinq minutes qu’on n’a pas rigolé du tout L’humour reprend le dessus. J’ai demandé à Alfred Grimm oú il allait chercher ces couleurs. Il a répon??????? «dans les tubes»!